Politique sur la violence entre partenaires intimes et le déséquilibre des rapports de pouvoir

Politique sur la violence entre partenaires intimes et le déséquilibre des rapports de pouvoir

Adoptée le 19 juin 1994
Révisée le 27 octobre 2013
Révisée le 11 février 2022

Table des matières

  1. Introduction
  2. Histoire
  3. Définition de la violence entre partenaires intimes
  4. Principes directeurs
  5. Évaluation et dépistage de la violence entre partenaires intimes
  6. Conception et modification des processus
  7. Mettre fin à la médiation en toute sécurité
  8. Dépistage continu
  9. Perfectionnement professionnel continu

A.    Introduction

La médiation est une démarche à privilégier en cas de séparation des familles, car, régulièrement recommandée lors de tout examen du système de justice aussi bien au Canada qu’ailleurs, elle est efficace, peu coûteuse et réduit les conflits.  Lorsque la médiation a commencé à se populariser, la question s’est posée de savoir si elle constituait une démarche sûre pour les survivantes [A1] de violence entre partenaires intimes. Les survivantes seraient-elles potentiellement en danger et seraient-elles en mesure de négocier convenablement?  Trina Grillo, dans « The Mediation Alternative : Process Dangers for Women »[1], avait, à l’époque, tiré la sonnette d’alarme sur les dangers que les femmes participant à une médiation familiale pourraient courir. D’après elle, le processus de médiation avait le potentiel de nuire aux femmes en diminuant la gravité de la situation, en minimisant l’importance des droits, en minant la capacité de tenir une personne responsable de ses actes et en mettant l’accent sur l’égalité formelle plutôt que sur l’égalité réelle. En 1998, un rapport de Condition féminine Canada intitulé La médiation familiale au Canada : ses implications pour l’égalité des femmes[2] exprimait plus avant des inquiétudes à l’égard de la médiation familiale comme mode d’intervention privilégiée pour les femmes lors d’une séparation.  Au même moment, Richard Delgado, un théoricien critique de la race, soutenait que pour protéger les minorités, le mode alternatif de règlement des conflits devrait être réservé aux différends dans lesquels s’affrontent des parties de statut et de pouvoir comparables. Lorsqu’elles sont confrontées à des adversaires d’un statut ou d’un pouvoir supérieur, les minorités auraient tout intérêt à préférer un processus décisionnel officiel et ne devraient pas être contraintes par les tribunaux à participer à des procédures informelles[3]. Toutefois, comme l’a noté l’honorable juge Lene Madsen dans son article, « A Fine Balance : Domestic Violence, Screening and Family Mediation »[4], l’étude de la violence conjugale a évolué, et des analyses plus nuancées sur les effets de la violence ont été réalisées depuis. Des efforts importants ont été déployés pour tenter de répondre aux arguments avancés par Grillo et d’autres, d’une part en élaborant des outils de « dépistage » qui tentent de reconnaître les clientes en médiation qui ont été exposées à la violence conjugale, et d’autre part en adaptant le processus, dans la mesure du possible, pour que la médiation puisse avoir lieu.

Au cours des décennies suivantes, le domaine de la médiation s’est développé en Ontario. Alors qu’on s’inquiétait au départ du recours à un tel mode d’intervention, on est petit à petit passé à l’élaboration de normes, d’outils de dépistage et de protocoles pour lutter contre la violence entre partenaires intimes, instruments aujourd’hui jugés comme exemplaires tant par le gouvernement que par d’autres secteurs.   La raison de cette inquiétude et de la nécessité d’établir des normes de dépistage était claire : le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale de l’Ontario a toujours constaté (2003-2018) que des antécédents de violence et une séparation imminente ou récente sont les premier et deuxième facteurs de risque de létalité dans les homicides familiaux.  Les normes de pratique de l’OAFM exigent des médiateurs qu’ils se fondent sur le principe de « ne pas nuire » et l’organisation reconnaît qu’elle se doit, vis-à-vis des survivantes, des victimes et de leurs familles, de régulièrement revoir ces pratiques et de les améliorer.

Comme l’indique la section historique ci-dessous, cette politique a été initialement adoptée lors de l’assemblée générale annuelle de l’Association ontarienne de médiation familiale (« l’OAFM ») en juin 1994 et modifiée le 27 octobre 2013.   Bon nombre des concepts et des recommandations qu’elle renfermait provenaient du rapport du Forum de Toronto sur la violence faite aux femmes et la médiation, tenu en juin 1993.  Le comité des normes de l’OAFM a procédé à une révision approfondie de la politique en 2020 et 2021 afin de tenir compte des recherches et des avancées actuelles dans l’étude de cet important facteur de séparation des familles, et de recueillir des avis et mener des consultations sur le sujet.  L’engagement de l’OAFM est de veiller à ce que les médiateurs puissent correctement évaluer la violence entre partenaires intimes afin que les survivantes de violence aient le droit de choisir un processus efficace et rapide tout en assurant leur sécurité.

Il est important de noter l’évolution du terme original qui, de « violence envers les femmes » est passé à « violence conjugale », puis « violence entre partenaires intimes » et, plus récemment, à «  violence familiale » dans les modifications apportées à la Loi sur le divorce du Canada.  Les médiateurs familiaux agréés, les médiateurs agréés en protection de la jeunesse et les médiateurs agréés en médiation intergénérationnelle travaillent avec des personnes vivant des relations intimes, qu’il s’agisse de relations brèves pouvant aboutir à la naissance d’un enfant ou de familles intergénérationnelles confrontées à des problèmes de fin de vie.  Cette politique a été rebaptisée « Violence entre partenaires intimes et déséquilibres de pouvoir », car l’utilisation du seul mot « famille » peut amener une personne à mal interpréter le risque et le danger de toute relation intime, quelle qu’en soit la durée.  Dans le cadre de la présente politique, ces termes peuvent être employés indifféremment, étant donné qu’ils sont tous encore couramment utilisés.  Le comité spécial du coroner de l’Ontario, par exemple, s’appelle le « Comité d’examen des décès dus à la violence familiale »[5].

Aucune violence n’est acceptable.  La médiation dans les cas de violence familiale est une activité à haut risque pour les médiateurs familiaux, et cette politique a pour but de veiller à ce que les médiateurs en soient pleinement conscients.

L’OAFM note que si le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial de l’Ontario ont adopté un nouveau langage concernant la violence familiale en 2021, ils ont également reconnu dans la même législation l’importance de recourir à des modes consensuels de résolution des conflits comme la médiation.  Les familles veulent pouvoir choisir parmi les services de médiation et y avoir accès. C’est pourquoi cette politique souligne l’importance d’un dépistage rigoureux, y compris des outils de dépistage, et la nécessité pour chaque médiateur de suivre une formation annuelle continue.  Nous prenons très au sérieux l’obligation de tirer des enseignements des expériences passées, des études sur la violence et des morts qui se sont produites, afin de protéger les vivants. L’exigence selon laquelle les formations sur le dépistage de la violence conjugale doivent être dispensées par des médiateurs familiaux accrédités qui ont demandé à enseigner ce cours et qui adhèrent à cette politique, de même que l’exigence selon laquelle tous les médiateurs doivent suivre chaque année une formation actualisée, font partie intégrante de notre engagement pour assurer la sécurité de tous.

B.  Histoire

En juin 1991, L’Association ontarienne de médiation familiale a lancé une initiative novatrice en invitant les associations professionnelles nord-américaines de résolution de conflits à participer à la rédaction d’énoncés de principes conjoints sur la violence familiale et la médiation. Cette initiative se voulait une réponse directe aux préoccupations soulevées par les groupes de défense des intérêts des femmes et des enfants. En mai 1992, sous la direction de Barbara Landau, lauréate du prix du président de l’OAFM pour son travail fondateur dans la rédaction de cette politique, l’OAFM s’est jointe à des organisations telles que l’Academy of Professional Family Mediators, Médiation familiale Canada et la Society of Professionals in Dispute Resolution et a rencontré environ 50 défenseurs des intérêts des femmes et des enfants afin d’entendre leurs sérieuses préoccupations concernant le recours à la médiation dans les cas d’abus. Elles ont largement consulté d’autres partenaires communautaires et, ensemble, ils ont préparé des recommandations communes présentées lors des réunions de 1993 des associations de médiation.  Il a été convenu que ces recommandations porteraient principalement sur les points suivants :

  1. l’éducation et la formation des médiateurs;
  2. la sélection judicieuse des candidats à la médiation;
  3. les questions de sécurité en médiation; et
  4. les alternatives à la médiation pour les femmes victimes de violence.

Elles ont tenté de répondre à un certain nombre de préoccupations[6].  Le Forum de Toronto a conclu que la violence à l’égard des femmes et ses répercussions sur les enfants continuent de poser de sérieuses questions aux professionnels du règlement des différends et de la médiation qui commencent, quoique prudemment, à aborder de manière coopérative et constructive les avantages et les risques associés à la médiation et les besoins particuliers des femmes victimes de violence.

À l’époque, les inquiétudes exprimées étaient liées au fait que les femmes étaient le plus souvent les victimes de violence et pour en témoigner, on a même nommé ce type d’abus : « violence faite aux femmes ».  Le travail du Comité d’examen des décès dus à la violence familiale de l’Ontario montre clairement que leurs préoccupations ont été prises en compte.  La violence touche le plus souvent les femmes.  Comme l’indique l’introduction, l’expression « violence à l’égard des femmes » est devenue « violence domestique », puis, dans la foulée de la conférence de Wingspread en 2007[7], il a été convenu que toutes les violences ne correspondaient pas au modèle de la violence conjugale et qu’il existait des types et des nuances de violence entre partenaires intimes.  Ce type de violence affecte davantage les femmes, mais il touche également les hommes et les enfants.  L’expression « violence entre partenaires intimes » est utilisée ici pour désigner toute femme, tout homme ou tout enfant qui subit de l’intimidation, de la contrainte ou de la violence physique, psychologique, émotionnelle, verbale, sexuelle, spirituelle ou économique ou qui en est menacé dans le cadre d’une relation intime, en reconnaissant que ce sont le plus souvent les femmes qui sont victimes de violence et que ce sont le plus souvent les femmes et les enfants qui en meurent.  En médiation, les effets de ces abus sur les victimes et les survivantes, en particulier sur leur sécurité et leur capacité à négocier équitablement, demeurent une préoccupation constante. La violence a pour but d’assurer le pouvoir et le contrôle de l’agresseur et de fragiliser la sécurité, l’estime de soi, la voix et l’autonomie de la personne victime de violence.

Après la conférence de Wingspread, des études ont continué à explorer la notion de médiation pour les survivantes de violence.  L’OAFM a pris note des travaux de Desmond Ellis de l’Université York, d’Amy Holtzworth-Monroe, d’Amy Applegate et de Connie Beck, entre autres, qui tous se sont penchés, à divers degrés, sur l’efficacité de la médiation dans ces cas et, plus particulièrement, sur la question de savoir si les victimes et les survivantes pouvaient supporter un processus de médiation. Au fil du temps, ces recherches ont clairement démontré qu’un processus de médiation bien conçu et doté de protocoles spécifiques pouvait en fait produire pour les participants des résultats aussi positifs qu’une procédure judiciaire, et ce en toute sécurité.

Holtzworth-Munroe, Applegate et Beck ont également publié The Mediator’s Assessment of Safety Issues and Concerns (MASIC) : A Screening Interview for Intimate Partner Violence and Abuse (en anglais seulement) [8], un outil de dépistage gratuit à l’usage des médiateurs.  Plus récemment, un projet conjoint avec la clinique commémorative Barbra Schlifer, la Fondation du droit de l’Ontario et Centraide du Grand Toronto a abouti à la publication d’un autre outil de dépistage, l’Intimate Partner Violence Risk Identification & Assessment Framework (en anglais seulement)[9].

Des organisations, telles que l’Association of Family and Conciliation Courts[10], ont également élaboré des protocoles de dépistage et adapté des processus en fonction des résultats du dépistage.

L’OAFM a soigneusement examiné les recherches menées dans ce domaine ainsi que les facteurs de risque très clairs relevés par le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale de l’Ontario et les autres conclusions et recommandations que celui-ci a occasionnellement formulées dans ses rapports annuels.  L’OAFM s’engage à se tenir au courant des recherches effectuées dans le domaine et à revoir régulièrement cette politique.

C. Définition de la violence entre partenaires intimes

Comme cela a été dit dans l’introduction, il est important de considérer les termes « violence entre partenaires intimes », « violence familiale » et « violence conjugale » comme des expressions décrivant un type de violence qui se produit dans les relations intimes.

Selon la définition de la Loi sur le divorce, la violence familiale s’entend de toute conduite

a) qui est violente, ou

b) menaçante, ou

c) qui dénote un comportement coercitif et dominant ou

d) qui porte un membre de la famille à craindre pour sa sécurité ou celle d’une autre personne.

Les modifications du gouvernement fédéral à la Loi sur le divorce ont repris le langage de cette politique pour définir ainsi la violence familiale :

« S’entend de toute conduite, constituant une infraction criminelle ou non, d’un membre de la famille envers un autre membre de la famille, qui est violente ou menaçante, qui dénote, par son aspect cumulatif, un comportement coercitif et dominant ou qui porte cet autre membre de la famille à craindre pour sa sécurité ou celle d’une autre personne – et du fait, pour un enfant, d’être exposé directement ou indirectement à une telle conduite –, y compris :

a) les mauvais traitements corporels, notamment l’isolement forcé, à l’exclusion de l’usage d’une force raisonnable pour se protéger ou protéger quelqu’un;

b) les abus sexuels;

c) les menaces de tuer quelqu’un ou de causer des lésions corporelles à quelqu’un;

d) le harcèlement, y compris la traque;

e) le défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence;

f) les mauvais traitements psychologiques;

g) l’exploitation financière;

h) les menaces de tuer ou de blesser un animal ou d’endommager un bien;

i) le fait de tuer un animal, de causer des blessures à un animal ou d’endommager un bien. (family violence) »[11]

Cette définition est large et englobe les facteurs de risque critiques que tout médiateur doit rester conscient garder à l’esprit tout au long du processus de médiation.

Il est important de reconnaître que le risque ultime de violence est l’homicide familial.  L’Initiative canadienne sur la prévention des homicides familiaux[12] définit l’homicide familial comme le meurtre d’un(e) partenaire intime actuel(le) ou ancien(ne), son ou ses enfants, ou encore de tierces parties. Elle note qu’un « “[p]artenaire intime” désigne une personne mariée, en union de fait ou impliquée dans une fréquentation amoureuse (dans son sens le plus large), que la relation soit en cours ou terminée. “Tierces parties” désigne de nouveaux partenaires, d’autres membres de la famille, des voisins, des amis, des collègues, des professionnels aidants, des témoins et d’autres personnes tuées lors ou à la suite de l’incident ».

D.  Principes directeurs

Les cas de médiation familiale dans lesquels il y a ou il y a eu de la violence familiale sont compliqués et peuvent être dangereux pour les participants et le médiateur.  Par conséquent, les principes directeurs qui sous-tendent cette politique sont les suivants :

1.     Les médiateurs ne doivent pas rester neutres sur les questions de violence ou de sécurité.

2.     La médiation ne doit pas porter sur la violence elle-même ni sur le fait qu’elle se soit produite ou non.

3.     Les médiateurs considèrent que les déclarations des participants sont suffisantes pour mettre en place des modifications appropriées du processus et ne cherchent pas à confirmer la véracité de ces préoccupations.

4.     Les parties à la médiation doivent être capables de négocier en toute sécurité, volontairement et avec compétence afin de parvenir à un accord équitable. La médiation ne peut être équitable si l’une des parties n’est pas en mesure de participer à la médiation de manière efficace et compétente.  La violence dans les relations intimes pose de sérieux risques pour la sécurité et peut considérablement diminuer la capacité d’une personne à participer à une médiation.  C’est la raison pour laquelle les médiateurs doivent reconnaître et distinguer les cas qui ne se prêtent pas à la médiation, ceux qui méritent une médiation spécialisée et ceux qui peuvent se dérouler de la manière habituelle.

5.     Les médiateurs doivent connaître les facteurs de risque, bien documentés, du Comité d’examen des décès dus à la violence familiale de l’Ontario[13] et savoir reconnaître les signes et les facteurs qui peuvent accroître le risque de violence et nécessiter de modifier le processus ou d’y mettre fin.

6.     Si le degré de violence familiale compromet la capacité d’une personne à négocier sans crainte de coercition, le cas pourrait ne pas convenir au processus de médiation et celui-ci doit être modifié.  Les médiateurs qui débutent en médiation doivent, pour ces cas, consulter des médiateurs d’expérience, car les normes de l’OAFM exigent que les médiateurs ne pratiquent pas dans un domaine autre que celui de leur spécialisation; or une connaissance approfondie de la violence familiale est un domaine qui exige une solide expertise.

7.     La médiation fait appel à l’autodétermination et les participants qui souhaiteraient la choisir devraient être en mesure de le faire dans un environnement sûr, adapté selon des modalités de procédures étudiées et reconnues.

8.     Les médiateurs ne doivent jamais forcer, encourager ou contraindre indûment quiconque à participer à une séance conjointe s’il exprime une quelconque hésitation à le faire.

9.     Si nécessaire, les médiateurs doivent consulter et se reporter à d’autres professionnels spécialisés dans la violence familiale.

10.   Le paysage culturel canadien étant en pleine mutation, les médiateurs doivent comprendre la diversité et ses répercussions sur la violence conjugale.  En 1989, Kimberlé[A2]  Crenshaw[14] a inventé le terme d’« intersectionnalité »[15] à propos des effets de la violence conjugale sur les femmes noires, confirmant qu’il est nécessaire de comprendre comment les dimensions de race, de classe, de sexe, d’aptitudes et d’orientation sexuelle déterminent les oppressions croisées avec lesquelles ces femmes et celles appartenant à des populations diverses doivent composer.

11.  Il est essentiel pour les médiateurs de comprendre les traumatismes et de recourir à des processus sensibles aux traumatismes et tenant compte des traumatismes.  La médiation tenant compte des traumatismes est une approche qui incite les médiateurs à être attentifs aux déclencheurs potentiels de traumatismes et à adopter des pratiques empathiques afin de permettre aux parties de participer à la résolution de leurs différends en respectant leur propre seuil de tolérance.  Considérer la médiation à travers le prisme du traumatisme permet de comprendre de façon très différente les personnes pouvant être confrontées à l’insécurité.  Devant faire attention à ne pas nuire, il est important que les médiateurs comprennent ce qu’est un traumatisme et ses effets sur la vie des personnes, ainsi que la nécessité d’assurer la sécurité́ physique et émotionnelle de tous les participants pendant le processus.

E.  Évaluation et dépistage de la violence familiale

Avant de démarrer la médiation, lors d’un entretien initial privé et confidentiel, le médiateur évalue individuellement tous les participants, pour détecter la présence ou le risque de violence familiale, d’abus et/ou de déséquilibre de pouvoir tel que défini plus haut.  Cette évaluation a pour but de déterminer si le processus doit être adapté pour en garantir l’efficacité et la sécurité ou si le cas ne se prête pas à la médiation.

1.     Le dépistage s’effectue depuis le premier contact jusqu’à la fin de la médiation. L’entretien doit être mené au moyen de questions ouvertes, dénuées de jugement et empreintes de curiosité.

2.     Les médiateurs doivent utiliser un processus formel et/ou un outil de dépistage, tels que des questionnaires, le MASIC, le DOVE[16], le RIA[A3]  ou d’autres outils reconnus qui traitent des facteurs de risque, y compris ceux relevés par le Comité d’examen des décès dus à la violence familiale de l’Ontario[17].

3.     Les médiateurs doivent informer les clients des limites du processus de confidentialité, car ils sont tenus de signaler tout cas antérieur ou présent de maltraitance d’un enfant et toute menace de violence future à l’égard de l’un des participants.

4.     Si le médiateur estime que le processus de médiation ne peut se dérouler sans être adapté, il y apporte les modifications nécessaires, conformément à la section F du présent document.

5.     Si le médiateur estime que la médiation ne peut se poursuivre sans compromettre la sécurité, le bien-être ou la capacité de négocier équitablement d’un participant, il clôt le processus de médiation, conformément à la section G du présent document.

6.     Les médiateurs sont encouragés à s’assurer qu’ils sont sensibles aux questions liées à la violence post-séparation, et plus particulièrement au concept d’intimidation juridique, qui consiste à faire usage du système juridique ou du processus de médiation pour infliger un retard ou un traumatisme à la survivante.

F.  Conception et modification des processus

1.      Lorsque les médiateurs déterminent qu’il existe des facteurs de risque et que le processus ne peut se poursuivre sans modifications, ils en établissent un qui tient compte, entre autres, des facteurs suivants :

a.     Le recours à la médiation navette, que ce soit en ligne ou en personne.

b.     L’espace physique dont ils disposent, comme la possibilité d’avoir des salles d’attente séparées, des heures d’arrivée et de départ séparées, etc.

c.     L’usage d’un modèle de co-médiation dont la composition est adaptée aux circonstances.

d.     Le recours à des personnes de soutien pour l’un ou l’autre des participants.

e.     La protection de l’information concernant les heures et les dates des séances, si nécessaire.

f.      La suspension de la médiation pour permettre de compléter d’autres étapes, comme le counselling ou pour s’assurer que la planification de sécurité a faite.

g.     L’utilisation sécuritaire de la technologie lorsque la médiation familiale en ligne est offerte aux participants.

G.  Mettre fin à la médiation en toute sécurité

1.     Si le médiateur estime qu’en dépit des modifications apportées au processus, l’un des participants n’est pas en mesure de participer à la médiation ou de continuer à le faire en toute sécurité, avec compétence et sans crainte ni contrainte, il mettra fin au processus, conformément aux normes de pratique, car la sécurité passe avant tout.

2.     Des précautions doivent être prises lors de la fin de la médiation pour assurer la sécurité des parties. Par exemple, le médiateur ne doit pas révéler à une personne ou au tribunal des informations qui pourraient faire courir un risque à l’autre personne.

3.     Si le médiateur met fin à la médiation, il doit bien connaître les normes de pratique[18] et envisager de rediriger les deux participants vers des ressources communautaires, telles que les lignes d’écoute téléphonique en cas de crise, la police, les ressources en matière de droit de la famille, https://stepstojustice.ca/ et les procédures de justice pénale pour les survivantes, les auteurs et les enfants, https://sheltersafe.ca/ontario/, https://211ontario.ca/ et https://www.awhl.org/.

4.     Si le médiateur craint pour la sécurité d’une personne, connaissez des personnes de confiance qui peuvent vous aider et ayez leurs coordonnées.

5.     Le médiateur comprend qu’il a le devoir de signaler les cas de maltraitance et de négligence et se familiarise avec la brochure C’est votre obligation[19]

6.     Le médiateur connaît et comprend les ressources communautaires disponibles pour aider les familles au niveau local et dans les secteurs où il sert des clients.  Il établit des liens et communique avec le personnel de son refuge et, si celui-ci dispose d’un livret de plan de sécurité, il en met à la disposition des clients.

H.  Dépistage continu

Il est essentiel que le dépistage ne soit pas considéré comme terminé après l’entretien initial et qu’il se poursuive tout au long du processus de médiation.

I.  Perfectionnement professionnel continu

1.     L’OAFM exige de tous les médiateurs accrédités qu’ils participent à une formation initiale, actuellement d’une durée de trois (3) jours, sur la violence entre partenaires intimes et les déséquilibres de pouvoir, laquelle couvre :

a) les données sur la violence entre partenaires intimes, y compris les statistiques et les taux prévalence.

b) les typologies et facteurs de risque relevés par le Comité de prévention de la violence familiale de l’Ontario;

c) l’impact de la violence sur les enfants;

d) les meilleures pratiques pour le dépistage de la violence entre partenaires intimes et des déséquilibres de pouvoir;

e) des jeux de rôle et des études de cas pour analyser les facteurs de risque et le dépistage approfondi;

f) la nécessité d’aiguiller la survivante et l’auteur vers des services communautaires;

g) La nécessité d’aiguiller les parties vers d’autres professionnels [A4] ou de préparer un plan de sécurité;

h) Les meilleures pratiques pour mettre fin à une médiation en toute sécurité, les mesures de sécurité et les alternatives à la médiation, lorsque celle-ci n’est pas appropriée.

2.     Pour conserver leur statut de membre, l’OAFM exige de tous les médiateurs accrédités qu’ils poursuivent leur formation sur la violence entre partenaires intimes et les déséquilibres de pouvoir, et ce sur une base annuelle avec un nombre minimum d’heures, tel qu’établi de temps à autre par le conseil d’administration.

[1] Trina Grillo, (1991) 100 The Yale Law Journal Volume 100: 1545
[2] https://publications.gc.ca/site/eng/9.646916/publication.html
[3] Richard Delgado, Chris Dunn, Pamela Brown & Helena Lee, Fairness and Formality: Minimizing the Risk of Prejudice in Alternative Dispute Resolution, 1985 Wis. L. Rev. 1359 (1985). Consultable  à : https://scholarship.law.ua.edu/fac_articles/584
[4] A Fine Balance:  Domestic Violence, Screening and Family Mediation 30 CFLQ 343
[5] https://www.mcscs.jus.gov.on.ca/english/Deathinvestigations/OfficeChiefCoroner/Publicationsandreports/DVDRC2018Report.html
[6] À l’origine de ces recommandations figurent les statistiques alarmantes de la police, indiquant que plus de 95 pour cent des plaintes déposées auprès de la police pour abus sont portées par des femmes contre des hommes.
[7] En février 2007, le National Council of Juvenile and Family Court Judges et l’Association of Family and Conciliation Courts (AFCC) ont rassemblé un groupe de travail composé de trente-sept praticiens et chercheurs expérimentés afin d’identifier et d’explorer les tensions conceptuelles et pratiques qui nuisaient à l’efficacité du travail réalisé auprès de familles au sein desquelles des cas de violence familiale avaient été constatés ou signalés. https://www.afccnet.org/Portals/0/PublicDocuments/CEFCP/ReportWingspreadConferenceDomesticViolenceFamilyCourts.pdf
[8] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1744-1617.2010.001339.x
[9] https://www.schliferclinic.com/wp-content/uploads/2020/12/IPV-RIA-User-Guide-Final.pdf
[10] https://www.afccnet.org/Portals/0/Center%20for%20Excellance/Guidelines%20for%20Examining%20Intimate%20Partner%20Violence.pdf
[11] https://www.justice.gc.ca/fra/df-fl/mdf-cfl/clde-dace/div20.html
[12] http://cdhpi.ca/
[13] https://www.mcscs.jus.gov.on.ca/english/Deathinvestigations/OfficeChiefCoroner/Publicationsandreports/DVDRC2018Report.html#appendixb
[14] « Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence Against Women of Color » dans : Martha Albertson Fineman, Rixanne Mykitiuk, Eds. The Public Nature of Private Violence. (New York: Routledge, 1994), p. 93-118.
[15] Phoenix & Pattynama, 2006.   L’intersectionnalité se compose de trois éléments constitutifs : (1) les identités sociales, qui renvoient à la race, à la classe sociale, à l’appartenance ethnique, à l’identité sociale et à l’orientation sexuelle des personnes, (2) les systèmes d’oppression, une société qui crée des inégalités et renforce l’exclusion, qui s’articulent autour de normes sociales et sont principalement établis par le groupe dominant, et (3) les façons dont ils se recoupent.   Les individus se définissent par la manière dont ils se croisent et réagissent entre eux et avec les systèmes d’oppression systémique. https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/1350506806065751
[16] https://www.researchgate.net/publication/227516795_Domestic_violence_DOVE_and_divorce_mediation
[17] https://www.mcscs.jus.gov.on.ca/english/Deathinvestigations/OfficeChiefCoroner/Publicationsandreports/DVDRC2018Report.html#appendixb
[18] https://www.oafm.on.ca/about/standards/standards-of-practice/
[19] https://files.ontario.ca/pdf-3/mccss-report-child-abuse-and-neglect-fr-2022-03-31.pdf